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article journal sud ouest du 21 avril 2011

Demander des moyens pour une justice indépendante, une justice respectée, une justice forte et efficace correspond à nos revendications depuis de nombreuses années. L'amiante, c'est encore plus de dix morts par jour, soit entre 3 000 et 5 000 par an en France. Ce pour quoi notre association de victimes réclame depuis quinze ans l'ouverture d'un procès pénal. S'il ne voit pas le jour, nous savons très bien que ce n'est pas parce que des magistrats ou des enquêteurs ne font pas leur travail ou le font mal. La faute en incombe aux gouvernements successifs qui n'ont pas voulu mettre les moyens nécessaires à l'instruction. Nous avons bataillé pour obtenir la création du pôle de santé publique, puis pour que des magistrats soient affectés à ce pôle, puis pour avoir des enquêteurs et enfin, dernièrement, pour obtenir des assistants de justice…

Depuis deux ans, des veuves de l'amiante adressent au président de la République des lettres personnelles pour demander que l'on recherche les responsabilités qui ont conduit à la mort de leur mari ou de leur conjoint. Le chef de l'État n'a jamais daigné leur apporter la moindre réponse, alors que, dans le même temps, le porte-parole du gouvernement souligne le manque de compassion des magistrats. Nous sommes, comme peuvent l'être les magistrats, fortement choqués par les propos qui font des juges et des policiers des boucs émissaire de l'échec d'une politique.

Que le président de la République cesse d'exploiter les drames humains à des fins politiciennes et qu'il mette en œuvre une politique avec les moyens de la réaliser, afin que de tels drames ne se reproduisent plus. Notre association compte aujourd'hui près de 730 adhérents dans le Sud-Ouest, et nous enregistrons 430 dossiers de victimes tous régimes de couverture confondus. À ce jour, nous déplorons 83 décès depuis notre création (1999). Un des volets essentiels de notre activité est la défense des dossiers de victimes devant les tribunaux civils. Là aussi, nous constatons régulièrement le peu de moyens mis à la disposition à la justice. Si nous pestons parfois contre la lenteur des procédures, là encore nous savons que ce n'est pas le fait des tribunaux mais celui des employeurs et de leurs assurances, qui multiplient les demandes d'expertise comme à plaisir. C'est parce que nous pensons que les maladies de l'amiante ne sont pas une fatalité ou une malchance de la vie que nous luttons pour une réparation juste des victimes et de leurs familles.

Au-delà de la réparation civile, nous pensons que l'ouverture d'un procès pénal serait le socle d'une politique de prévention indispensable face aux autres agents cancérigènes (CMR), qui sont monnaie courante dans nos entreprises. Ce qui ne veut pas dire que le risque amiante soit derrière nous. Pour les veuves de l'amiante, dont il faut souligner le courage exemplaire, et pour l'ensemble des victimes, la mise au grand jour des responsabilités serait un marqueur indélébile de ce qu'il ne faut plus faire.

La QPC (question prioritaire de constitutionnalité) déposée dans le cadre du procès de Jacques Chirac pourrait être lourde de conséquences pour l'ensemble des victimes d'affaires de santé publique si elle est validée par la Cour de cassation et transmise au Conseil constitutionnel. Si le principe du point de départ du délai de prescription était remis en cause, cela compromettrait l'instruction de plusieurs affaires, et plus particulièrement celles relative à l'amiante. Ce en raison de la particularité des maladies de l'amiante, à déclenchement différé (période de latence de vingt à quarante ans après l'exposition).

La Cour de cassation a toujours considéré que la prescription courait non pas à partir de la commission des faits, mais à partir de leur découverte (de la découverte de la maladie, dans le cas précis). Ce principe a pour effet, dans un certain nombre de situations, d'instaurer une sorte d'imprescriptibilité, mais le remettre en cause aurait pour conséquence d'amnistier un grand nombre d'infractions.

De plus, sur le principe même, cette demande de QPC va bien au-delà de l'esprit de la loi. Elle placerait, de fait, la jurisprudence de la Cour de cassation sous l'autorité du Conseil constitutionnel, lequel devie.ndrait une véritable « cour suprême », rôle qui lui est interdit, ne serait-ce qu'au regard de sa composition     
G.Arnaudeau président                                            
 
 
Tag(s) : #Justice
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